GRD Groupe romand de documentation
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Rencontre du 31 mai 2005, UNIL, Lausanne
Le droit d'auteur, la numérisation, et les professionnels de l'information

Introduction
Jean-François Cosandier, président du GRD
 
 
  • Comme professionnels de l'information, notre mission prioritaire, cette mission que nous considérons comme noble, c'est de permettre à nos utilisateurs d'obtenir les informations qui leur sont nécessaires pour leurs activités : qu'il s'agisse de prendre des décisions, de faire des recherches scientifiques, de former des élèves ou des étudiants, de contribuer à former l'opinion publique, de créer eux-mêmes de nouvelles œuvres, aucune de ces activités ne sont concevables aujourd'hui sans informations, donc la plupart du temps sans œuvres préexistantes. C'est pour cela que nous élaborons des outils de recherche, que nous lisons, indexons, classons... et que de plus en plus souvent nous négocions des contrats d'accès...
  • Nous sommes donc confrontés chaque jour avec les œuvres de l'esprit. Les documents qui nous passent entre les mains, ceux que nous recherchons, traitons, indexons, notre matière première, ils sont en fait à une très large majorité des œuvres de l'esprit.
  • Nous avons été sensibilisés au droit d'auteur, dans le cadre de nos diverses formations, dans nos associations, dans notre vécu quotidien. Quand la presse nous dit « Le droit d'auteur, le violer c'est voler » nous ne pouvons qu'acquiescer. Peut-être parce que nous adhérons à une vision idéale de l'auteur, qui livre ses œuvres à la société mais doit en vivre ! Et que parfois nous devenons nous aussi auteurs, et qu'une protection est juste.
  • Une autre caractéristique de notre domaine, c'est la révolution numérique, qui nous a touchés sur les 20 dernières années. Une majeure partie de l'information que nous traitons aujourd'hui est sous forme numérique. La technologie nous apporte des avantages et un confort évident : rapidité, fiabilité, possibilités de rechercher, possibilités de stocker, de copier, de transmettre... Elle s'étend au texte, à l'image, au son, aux données chiffrées. Il n'est plus de science possible sans information numérique.
  • Nous nous y sommes adaptés. Toutes ces techniques sont aujourd'hui matures. Bien entendu nous suivons depuis plusieurs années les péripéties qui mettent aux prises les tenants de la copie sauvage, en matière par exemple de musique, et ceux qui au nom des détenteurs de droits (pas toujours les auteurs eux-mêmes) se battent pour que la loi soit la plus forte... C'est un peu le match de David contre Goliath, mais on ne sait pas qui est David et qui est Goliath, et l'issue n'est pas évidente.
  • Maintenant le droit doit évoluer, et c'est normal. Des traités internationaux, des directives inspirent une traduction de plusieurs nouveaux principes dans les législations nationales. Cette évolution, nous savons qu'elle est inéluctable. Sur tel ou tel point, nous l'avons appelés de nos vœux.
  • Mais nous savons aussi qu'elle va avoir une répercussion sur notre travail, et que de gros intérêts sont en jeu. Editeurs, producteurs, fournisseurs de contenus... Il est donc logique que nous nous posions des questions, que nous les posions si possible à la bonne place et dans les bons termes. Je vais essayer de les résumer brièvement :
    • Les nouvelles règles ne vont-elles pas restreindre la possibilité que nous avons eue jusqu'ici de faire consulter les documents à nos utilisateurs ?
    • Le caractère numérique de l'information ne risque-t-il pas d'entraîner une protection excessive, par des mesures de protection chicanières, qui rendront notre mission difficile voir impossible ?
    • La part croissante faite aux relations contractuelles dans l'acquisition de l'information reste-t-elle dans des termes équilibrés ? Pourrons-nous encore négocier à un tarif supportable pour nos utilisateurs ou pour nos institutions de tutelle ?
    • Le droit à la copie privée de l'information, qui légitime les activités de documentation que nous exerçons dans des entreprises ou administrations est-il mis en péril dès lors qu'il s'applique à des contenus numériques ?
    • Lorsque notre mission de communication se double d'une mission de conservation, ne risquons-nous pas de nous heurter à des règles qui vont à l'encontre même de cette mission ? Si l'on conserve, n'est-ce pas pour communiquer ? Comment peuvent se répartir les tâches entre centre de documentation, bibliothèques, archives d'une part, éditeurs et producteurs de l'autre ?
    • Allons-nous devoir payer plusieurs fois les mêmes utilisation des œuvres, par exemple par une taxe sur les appareils de traitement de l'information ?
    • La frénésie de l'accès aux œuvres musicales et visuelles, bien souvent au mépris de tout égard pour les droits d'auteur, va-t-elle se payer par une diabolisation de l'ensemble des demandeurs d'information ?
    • Je vous propose aussi de découvrir des aspects peut-être moins connus, mais très important de l'utilisation des œuvres, telle qu'elle se fait dans les médias publics. De nombreux professionnels de l'information y travaillent, et ils gèrent des archives qui rencontrent parfois des sérieuses difficultés d'utilisation. L'attente est donc grande pour que la loi apporte des solutions praticables.

Le GRD, c'est son rôle, a décidé de créer une occasion d'ouvrir le débat, de faire le point sur ces questions. Le fait que vous soyez nombreux montre bien que ces questions sont actuelles, qu'elles vous concernent, et à travers vous vos usagers, et finalement la société de l'information...
Il le fait en faisant appel à des intervenants que je vous présente :

  • M. Carlo Govoni, chef de la Division droit d'auteur et droits voisins à l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle, à Berne. M. Govoni est un expert réputé, et on peut je crois le présenter comme le père du projet de révision en cours
  • Mme Jarka Looks, vice-directrice et cheffe de la bibliothèque de l'Institut Suisse de droit comparé, à Lausanne. Mme Looks enseigne le droit d'auteur à des professionnels de l'information, et elle est intervenue à diverses reprises dans les débats à ce sujet dans le cadre de diverses organisations.
  • Mme Michèle Battisti, chargée de veille juridique à l'ADBS, qui est notre association sœur en France. Elle rédige pour l'ADBS une lettre d'information juridique mensuelle, et elle est l'auteur d'un ouvrage sur la négociation des contrats. Membre pour l'ADBS du groupe Copyright d'EBLIDA, elle va apporter une dimension internationale à notre réflexion. Elle est actuellement très active dans le débat autour du projet de loi en France.
  • Enfin, Mme Dominique Diserens, Dr. en droit, juriste à la Direction générale de la SRG SSR idée suisse, l'organisation mère des médias publics en Suisse. Elle est en charge entre autres des négociations avec les sociétés de gestion de droits.

Je les remercie d'ores et déjà très vivement de leur participation, et je suis sûr que vous ne manquerez pas de leur poser toutes les questions légitimes qui sont les vôtres. Nous terminerons par un tour de table qui nous permettra de savoir dans quelle mesure nous aurons répondu à toutes ces questions. Ensuite, le sort de la nouvelle loi appartiendra aux parlementaires, et peut être au citoyen...

 
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Mis à jour le 17 juin 2005, GI.